S'il y a un ordre naturel qui confère aux femmes et aux hommes des fonctions et des places différentes et "complémentaires", on peut se demander : "Ah, et quelles sont les fonctions respectives de chaque sexe ?".
Les femmes sont plus à l'écoute ? C'est bien d'avoir une femme RH, elles sont plus sensibles ? Une femme a un style de leadership plus doux ?
Ces "compliments" fondés sur la croyance qu'il existerait des "qualités féminines" sont en fait du sexisme bienveillant. Ainsi, on renoue avec l'idée que les compétences ont un sexe, comme si il y avait une programmation génétique différente des cerveaux en fonction du sexe.
Pourtant, si nous n'attendons pas la même choses des petites filles et des petits garçons (consciemment ou non), d'après Catherine Vidal et un certain nombre de chercheurs en neurosciences, il n’existe pas de différence entre un cerveau d’homme et un cerveau de femme en dehors de la programmation hormonale. Il n'y a pas de programmation génétique différente des cerveaux en fonction du genre : nous avons TOUS des cerveaux différents.
10% des connexions existent seulement à la naissance. La majorité des connexions neuronales se fabriquent après la naissance en fonction des apprentissages et l'expérience de vie. Toute connexion supplémentaire est proportionnelle au temps consacré à l’apprentissage de la matière.
Il n’y a pas donc pas un cerveau masculin naturellement plus matheux et meilleur en orientation ou un cerveau féminin plus apte à la communication et à faire 3 choses à la fois.
Cette idée de complémentarité des sexes ne fait que confirmer nos croyances (et idées reçues) et vient justifier un "ordre naturel" immuable, à la maison comme au travail. Les femmes comprennent les autres, les hommes comprennent le monde. Rassurant, n'est-ce pas ?
"Alors quoi, on est tous pareils ?"
Non, bien au contraire : nous sommes TOU·TES différent·es.
L’horizon d’indifférenciation, selon l’expression de la politologue et sociologue Janine Mossuz-Lavau, ne doit ainsi pas être entendu comme la négation des différences, mais comme l’indifférence aux différences au sens où les différenciations de sexe, de racialisation, de classe sociale, etc. ne doivent constituer ni des stigmates ni des ressources.
Bref, la complémentarité entre les sexes est un mythe qui justifie les inégalités au nom de différences dites naturelles.
"La Nature crée des différences, la société en fait des inégalités" - Tahar Ben Jelloun
*Ressources : Brigitte Gresy,Secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, en parle dans le premier épisode d'Un podcast à soi : "Sexisme ordinaire en milieu tempéré".
Voir aussi cet article de Réjane Sénac, politologue et directrice de recherche au CNRS.
Vous pouvez aussi écouter Catherine Vidal dans cette émission de France Inter.
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